Le Festival mondial des théâtres de marionnettes proposait au public de découvrir /T(e)r:::r/ie:::r de la compagnie Arnica, un spectacle écrit par Gwendoline Soublin et mis en scène par Emilie Flacher. Il s’agit de suivre la cohabitation de trois animaux, contraints de se réfugier dans le même abri souterrain. Une fable qui met l’animal au milieu du théâtre, pour déplacer la façon de raconter le monde, à la façon des deux autres fables avec lesquelles ce spectacle forme un triptyque.
C’est pour moi si :
- j’aime l’utilisation inventive du castelet
- j’aime les histoires surréalistes et les fables contemporaines
- j’ai un faible, ou une attention particulière, pour les animaux
/T(e)r:::r/ie:::r propose de suivre un huis clos, l’histoire souterraine d’un groupe d’animaux forcés à cohabiter par la nécessité, fuyant les humains – ici les « bêtes eau de Cologne » ou les « sans poils » – et leurs « bêtes de métal ». Il y a donc une histoire linéaire classique, avec début, milieu et fin, et sans doute même une forme de morale à la fin, sous forme d’une invitation à muter, à accoucher d’une écologie nouvelle – au sens d’un nouvel agencement des vies les unes en parallèle aux autres, ni amis ni ennemis.
Le texte de Gwendoline Soublin trouve une façon de traduire dans chaque monologue – les bêtes ne dialoguant pas entre elles – ce qu’elle perçoit de la nature de chaque animal, selon qu’il est blaireau, musaraigne ou chouette. Chose très appréciable, elle a recherché à ne pas prêter des pensées ou des sentiments humains à ces êtres, dont elle écrit le flux de conscience à un niveau très perceptif et instinctif.
Les marionnettes à prise directe (les contrôles sont de courtes tiges) sont ressemblantes, sans être hyperréalistes, et leur construction permet une recherche de manipulation proche du naturel. Cela produit un effet intéressant en ce que cela ouvre un décalage avec la fable elle-même, fort peu réaliste, dans laquelle les animaux cohabitent sans s’attaquer dans un minuscule espace – « parfois se croisent jamais ne s’attaquent ». Ils vont même jusqu’à collaborer pour couver un œuf ensemble ! Sans compter que le nœud de l’histoire se résout grâce a un deus ex machina, un « Nouvel Autre » né de l’éclosion de l’œuf, qui serait la somme improbable de ses pères-mères, une sorte de version moderne du basilic ou du cocatrix du folklore. En tous cas, la facture des marionnettes est très belle.
Si on peut rester un peu interdit devant le dénouement, la qualité du travail n’en est pas moins grande. Le castelet-terrier est comme une tour qui ceint la marionnettiste, plein de fenêtres et de galeries qui permettent un jeu de caché-révélé et des travellings quand elle le met en rotation. La manipulation est très propre, l’interprétation vocale des personnages bien faite, avec une interprète qui insuffle beaucoup d’énergie à son jeu – peut-être parfois un peu trop, on a le sentiment qu’elle force un peu par moment.
C’est, sans aucun doute, un spectacle qui ravira un public plutôt jeune, encore que les spectateur·rices plus averti·es pourront apprécier la qualité visuelle de l’œuvre.
GENERIQUE
Écriture : Gwendoline Soublin
Mise en scène : Émilie Flacher
Assistante à la mise en scène : Angèle Gilliard
Marionnettiste : Virginie Gaillard
Conception et construction castelet-paysage : Pierre Josserand
Construction marionnettes : Emmeline Beaussier, Florie Bel, Priscille Du Manoir, Emilie Flacher