Chemin des Métaphores de la cie Singe Diesel (c) TKx Photography

Chemin des Métaphores de la cie Singe Diesel (c) TKx Photography

Chemin des métaphores, le nouveau spectacle de Juan Perez Escala (compagnie Singe Diesel) a fait ses premières lors du Festival mondial des théâtres de marionnettes de Charleville-Mézières. Une parabole sensible faite d’une série de rencontres faites le long d’un chemin, dans un castelet-carrousel sur lequel défilent des marionnettes de très belle facture.

C’est pour moi si :

  • je suis un doux rêveur ou un irrécupérable poète
  • je suis particulièrement sensible à la dimension plastique du spectacle
  • j’ai besoin qu’on m’invite avec délicatesse à ralentir le rythme

« Two roads diverged in a yellow wood », écrivait le poète Robert Frost (« Deux routes se séparaient dans un bois jaune »). Peut-être Juan Perez Escala a-t-il lu ce poème, et peut-être lui a t-il inspiré l’histoire de cet homme qui, un jour, croise un escargot philosophe en traversant une petite forêt dans une grande ville. L’escargot explique doctement qu’il ne s’agit pas tant de changer de chemin que de l’arpenter différemment, en prenant le temps de la rencontre et de l’observation. L’homme se laisse convaincre par le sage gastéropode, qui l’avertit qu’il arrivera au même endroit, mais en étant changé.

Ce chemin est matérialisé au plateau par un castelet en forme de carrousel, qui permet de faire défiler indéfiniment de nouveaux décors et de nouveaux personnages à rencontrer. Les marionnettes se succèdent, qui ont la facture bien reconnaissable du marionnettiste qui est un plasticien de grand talent. Des formes douces, des couleurs délavées, des visages expressifs aux grands yeux un peu mélancoliques, on croise aussi bien des humains que des robots ou des animaux. Souvent il s’agit de marionnettes de taille moyenne qui seraient plutôt proches d’effigies à peine articulées, parfois il s’agit aussi de petits automates dotés d’un mécanisme très simple actionné à la main en pleine vue.

La succession de rencontres le long de la route sont autant de petites histoires dans la grande histoire, dans un univers poétique – une poésie qui réside dans l’utilisation de métaphores, aussi bien verbales que visuelles. Ici, les cerfs peuvent être volants, et on se demande si les feuilles mortes doivent recevoir un enterrement. Les histoires sont naïves, surréalistes, touchantes, tout-à-fait dans la veine de ce que les spectateur·rices de Kazu connaissent déjà, mais sur un thème différent. Le message serait peut-être que la lenteur n’est pas un mal, qu’elle permet au contraire de prendre le temps de la découverte, des associations d’idée, de l’appréciation de la beauté.

C’est un très joli spectacle, dans la forme comme sur le fond. Juan Perez Escala parle français avec un accent assez prononcé mais qui donne un charme supplémentaire à ses histoires. Au moment des toutes premières représentations, il butait encore légèrement sur le texte, petits accidents qui disparaîtront vite à mesure de la pratique. L’artiste fait preuve d’une telle douceur, a une telle considération pour ses marionnettes et son public, qu’on lui passe volontiers une manipulation parfois un peu maladroite, qui, paradoxalement, est aussi une force, car cette faillibilité va avec le personnage et le rend d’autant plus attachant. Si on veut vraiment chercher la petite bête, on peu peut-être considérer que les vignettes sont parfois trop simples, mais cette faiblesse est aussi une force car il met le spectacle à portée d’absolument tous les publics.

C’est le spectacle rêvé pour faire une pause, retrouver le goût de la poésie, exorciser un burn-out. C’est un cadeau tout doux à se faire ou à faire à une personne qu’on aime bien.

Ce spectacle a déjà une tournée non négligeable, surtout en Bretagne, à commencer du 13 au 16 octobre à La Maison du Théâtre à Brest.

GENERIQUE

Conception, écriture, jeu et manipulation : Juan Perez Escala
Création musicale : Vincent Roudaut
Accompagnement à la dramaturgie : Serge Boulier
Construction des marionnettes : Juan Perez Escala, Eglantine Quellier
Création du décor : Vincent Bourcier
Création lumière : Guillaume De Smeytere

Visule (c) TKx Photography