Carte Blanche de Michal Svironi © Alain Bacz

Carte Blanche de Michal Svironi © Alain Bacz

Michal Svironi présentait pour la première fois en France son spectacle Carte Blanche​ / דף חלק à l’occasion du Festival mondial des théâtres de marionnettes. Avec beaucoup d’humour et de liberté dans la forme, elle propose là un spectacle à mi-chemin entre la comédie stand-up et la marionnette. Cette dernière prend ici la forme de peintures, en bonne partie réalisées en direct par l’artiste. C’est une œuvre originale, drôle et vivifiante.

C’est pour moi si :

  • j’ai besoin de rire
  • j’ai une famille compliquée ^^
  • j’aime les couleurs qui font waouh

Auto-dérision, pots de peinture et entrain

Michal Svironi ne manque pas d’humour. Il en faut pour naviguer les relations aimantes mais complexes qui se tissent dans sa famille. Entre les disparu·es, les parents envahissants, la progéniture ultra-dépendante, elle étoufferait sans doute sinon…! Mais avec intelligence et une bonne dose d’auto-dérision, l’artiste en tire un spectacle qui ne manque pas de peps, servi en français s’il-vous-plaît, avec une belle élocution et un joli accent qui chatouille l’oreille d’une façon à laquelle on n’est pas forcément accoutumé·e !

Ce peps, elle le tire de sa présence scénique et de son énergie personnelle : on frise la performance dans cette mise en scène de soi, et il apparaît clairement que, sous le jeu théâtral, Michal Svironi a une énergie débordante, quelque chose de solaire et attachant, et elle capte l’attention du public et attire sa sympathie comme la toile blanche attire le pinceau. Car c’est dans cette dernière rencontre que réside aussi le peps de la proposition : l’artiste est aussi peintre, et elle utilise ce talent pour représenter ce qu’elle raconte, tout du long du spectacle, dans des couleurs vives qui éclaboussent toutes les surfaces et finissent par recouvrir une bonne partie du corps de l’interprète. Carte Blanche, c’est l’histoire d’un canevas qui va recevoir les images peintes en direct, en plus d’être la métaphore de ce qu’on reçoit de sa famille avant même d’être né·e.

La marionnette-image, support du récit

C’est donc un théâtre d’images qui se déploie, sur des toiles, de grandes feuilles de papier, sur le corps même de l’interprète, sur le sol bâché… Des images qui apparaissent au fur et à mesure qu’elles sont révélées ou qu’elle sont produites en direct. En plus de la dimension ludique du geste de peindre – avec le plaisir régressif de la peinture qui dégouline, en plus de la stimulation visuelle du trait franc et de la couleur explosive – les portraits de Michal elle-même, de son père, de sa mère, de sa fille, font de très efficaces supports visuels pour fixer le récit et permettre à l’artiste de dialoguer avec ses personnages…

Carte Blanche se passe donc facilement de marionnettes classiques, même si certains portraits sont un peu animés au niveau de la bouche ou des paupières. On note juste la brève apparition d’une silhouette en mousse… et l’utilisation d’un membre du public pour illustrer la vie amoureuse de la protagoniste.

Sans doute l’intérêt de ce spectacle réside-t-il dans la facilité avec laquelle on s’identifie aux histoires de famille d’autrui : aucune famille n’est simple, et la plupart des membres du public pourront se relier, d’une manière ou d’une autre, aux péripéties traversées par Michal Svironi, qui grossit sans doute le trait mais sans perdre de vue une forme de justesse. Il y a de la tendresse et de l’intelligence dans sa façon de procéder, et une générosité dans sa façon de s’exposer, y compris dans ce qui fait sa fragilité en tant qu’être humain·e.

La dernière scène proposée avant que le noir ne se fasse est de toute beauté, et résume à elle seule la puissance poétique et émotionnelle des images construites par Michal Svironi.

Ce spectacle pétillant sera sur la scène du Mouffetard – Centre national de la marionnette à Paris du 4 au 14 octobre 2023.

GENERIQUE

Auteure et interprète : Michal Svironi
Musique originale et co-auteur : Johnny Tal
Œil extérieur : Daniela Michaeli, Alexandre Delperugia
Dramaturgie : Miki Mevorach
Accessoires, décor et poupées : Léonide Alisov
Production : Shani Luzo